- SLAVOPHILES (NÉO-)
- SLAVOPHILES (NÉO-)SLAVOPHILES NÉO-On a ainsi nommé un courant apparu dans la littérature soviétique vers le milieu des années 1960, même s’il a plus emprunté à Dostoïevski, aux mouvements des «Scythes» et des «Eurasiens» et à certains philosophes idéalistes dont Berdiaeff qu’aux slavophiles eux-mêmes. Les idées des néo-slavophiles se sont exprimées dans des œuvres littéraires, par exemple Lettre du musée russe (Pis’ma iz russkogo muzeja , 1966) de Soloukhine, et dans des articles parus principalement dans Molodaïa gvardia dans les années 1960, puis dans Nach Sovremennik .Partisans de la défense du patrimoine culturel, les néo-slavophiles soutiennent, à l’encontre de l’idéologie officielle, la thèse d’une culture nationale unique, essaient de réhabiliter les artistes et penseurs négligés pour des raisons politiques, et veulent, par-delà les bouleversements de la révolution, de la guerre civile et de la collectivisation, renouer le lien des temps, retrouver un passé et un terroir; cet intérêt pour le passé se manifeste aussi dans l’engouement actuel pour les icônes, l’architecture ancienne, etc.Reflétant les doutes d’une partie de l’intelligentsia après les chocs du XXe Congrès et des années 1960, les néo-slavophiles se désintéressent de la politique comme d’un phénomène superficiel, et recherchent les valeurs morales dans le passé, la religion, le monde paysan. Celui-ci aurait gardé intactes les richesses spirituelles, alors que le monde moderne, citadin et influencé par l’Occident, serait sans âme (c’est d’ailleurs un des thèmes essentiels des écrivains paysanniers). Désirant définir le caractère national russe et l’originalité de la Russie, par méfiance à l’égard des théories occidentales qui, chez eux, ont donné le stalinisme, ils ont repris le mythe de la sainte Russie opposée à l’Occident déshumanisé. Les aspects passéistes et chauvins de ce courant littéraire et politique ont été critiqués par les autorités. Mais la question n’est pas si simple: car les adversaires les plus résolus des néo-slavophiles sont les partisans d’une libération radicale de la société et de l’ouverture vers l’Occident; bien plus que les néo-slavophiles, ils sont condamnables aux yeux du pouvoir en raison de leur manque de sentiments patriotiques et socialistes. Le vide sonore de la pensée officielle contraint les responsables de la vie culturelle à laisser se développer, par tactique, le courant des néo-slavophiles, pour criticable qu’il soit; leur parti pris isolationniste et xénophobe ne trouve du reste que trop d’échos dans la société soviétique.Pendant l’ère gorbatchévienne, les écrivains tels que Dimitri S. Likhachev, Arsenii Gulyga ou Valentin Raspoutine manifestent leur attachement aux valeurs orthodoxes, renonçent aux prétentions messianiques de leurs aînés, s’attaquent de plus en plus vigoureusement aux valeurs démocratiques occidentales. Selon Dimitri Shlapentokh, auteur d’une étude sur les intellectuels nationalistes russes et le mouvement Pamiat, les raisons de ce changement d’attitude se trouvent dans la défaite humiliante de l’U.R.S.S. en Afghanistan et les difficultés économiques et sociales qu’a connues l’empire soviétique à la veille de son démantèlement.
Encyclopédie Universelle. 2012.